Le velours du marketing: la transcréation

De quelle manière réussir à vous démarquer de vos concurrents lorsque vous décidez de vous développer à l’étranger ?

Si vous souhaitez que votre message ait un impact (positif !) sur l’imaginaire de votre cible, traduire vos supports de communication ne suffit pas.

La transcréation : la clé de voûte du marketing

Dans ce premier post consacré à la transcréation, je souhaite poser le décor d’une histoire dont vous êtes les protagonistes.

Bien que, d’une façon intuitive, la réponse soit arrivée assez rapidement, il m’a fallu du temps, la lecture de dizaines de livres – dont un (excellent) écrit par Nina Sattler-Hovdar – de centaines de webinaires et moultes séances de brainstorming, pour trouver une définition simple et claire de la transcréation que ni mon cursus académique ni mes successives formations ne m’ont permis de forger.



Qu’est-ce que la transcréation?

Le mot transcréation est la contraction des termes anglais translation et creation. Tout est dans le mot : il s’agit à la fois de traduire un texte tout en créant un nouveau message. Le terme transcréation désigne typiquement le processus de traduction des messages publicitaires. Autrement nommée traduction créative, la transcréation est un angle d’attaque fondamental pour adapter parfaitement le message à l’imaginaire du lectorat cible.

Mais concrètement ?

Afin d’éclaircir ce mot qui ne veut rien dire à une bonne partie de la population, je vais mettre la transcréation dans le contexte et vous illustrer dans le tableau ci-dessous la différence entre la traduction, la localisation (je ferai bientôt un article dédié sur le sujet) et la transcréation.

TraductionLocalisationTranscréation
MessageLe contenu reste identique, la traduction fidèle au texte source. Le contenu reste identique. Le message général est respecté, mais la traduction est adaptée culturellement à la cibleLe message de fond est respecté, mais le langage est non seulement adapté à la cible, mais aussi remanié afin d’atteindre les objectifs marketing
ImagesNe changent pasPeuvent être changées pour les adapter à l’imaginaire collectif de la cibleSont souvent modifiées pour les adapter à l’imaginaire collectif de la cible
Mise en pageNe change pasPeut être changée pour la rendre plus agréable au lectorat cibleElle est totalement adaptée au lectorat cible

La transcréation et le marketing : études de cas

Une définition de la transcréation que j’aime bien est :

S’éloigner du texte pour s’approcher de l’émotion

En fait, lorsqu’il s’agit de transcréer, on parle bien de transposer un message d’une langue à une autre. En revanche, alors que la traduction est fidèle à la transposition des mots, la transcréation privilégie la fidélité à l’émotion que la lecture du message dégage.

Par exemple, si je prends un slogan d’une marque célèbre et tout simplement je la traduis je peux obtenir des résultats de ce type :

Stay with people who care.

Séjournez avec des personnes qui tiennent à vous.

Le sens est parfaitement compréhensible : si vous allez dans un hôtel Best Western, on vous traitera aux petits oignons. Tout est clair.

Vous avouerez, en revanche, que le résultat n’est pas très percutant, sans compter qu’il est un poil long. Si vous souhaitez faire mouche avec ça, c’est mal parti, je pense.

Cependant, comme notre éminent confrère Brice Matthieussent le dit si bien : « Tout texte est intraduisible, mais il faut quand même tout traduire ! »

Alors, ici en France, le slogan s’est transformé en :

Hôtels au singulier

Best Western souhaite mettre en avant la singularité de chacun de ses hôtels

Voilà, vous avez compris les lignes conductrices de la transcréation.

Attention, il ne s’agit pas de changer systématiquement l’accroche ou le slogan.

Le « Parce que vous le valez bien » et le « Because you’re worth it » sempiternel rengaine de la marque L’Oréal, tient très bien débout dans les deux langues sans avoir besoin de faire des tours de magie.

Ce qui compte, dans la transcréation, c’est de susciter dans le lectorat-cible une émotion. Le message original doit être transposé d’une manière totalement fidèle de ce point de vue quitte à s’éloigner du texte de départ.

Vous êtes les protagonistes de cette histoire

D’accord, c’est très bien tout ça, mais en quoi cela vous concerne? Parce que la transcréatrice, lorsqu’elle travaille à la transcréation d’un catalogue, d’une article, d’un site web, d’un blog ou d’un post sur les réseaux sociaux de ses client.es, se pose systématiquement la question suivante : « Ce texte contribue-t-il à améliorer la réputation de la marque et à augmenter ses ventes ? »

Si la réponse est positive, c’est que la transcréatrice est en train de faire du bon boulot.

Vous pourriez me retorquer que tout type de texte (même un manuel d’utilisation !) renvoie l’image de l’entreprise et contribue donc à sa réputation. Certes, mais ce qui est important, c’est de ne jamais perdre de vue l’objectif du texte.

Si l’objectif est d’informer, une « simple » traduction est le bon choix. En effet, une traduction (faite par un traducteur pro) est un texte qui donne au lecteur l’image complète du texte source, avec chaque détail rendu avec précision. Pensez aux contrats de vente, aux documents judiciaires, aux rapports médicaux, etc.

En revanche, si l’objectif est d’établir un lien émotionnel avec le lecteur, de l’engager et de le motiver à agir, il s’agit d’une transcréation. Exemples : brochures, communiqués de presse, pages de renvoi de sites Web.

Tout est dans le nom. Transcréation est la fusion des termes translation et creation.

Créatif oui, n’importe quoi, non !

La transcréatrice (ou, comme j’aime bien me définir, la traductrice créative) a un solide bagage académique et terminologique, elle est une professionnelle de la traduction. Mais en plus, elle a les compétences d’un copywriter. Et, pour terminer, elle est forte en marketing et bouffe de la pub à longueur de journée – genre elle tape sur la zapette quand le film recommence…

Attention, ne vous faites pas vous fourvoyer par le terme « créatif » ! Cela ne veut absolument pas dire que la professionnelle en question fera n’importe quoi de votre texte !

Elle mettra plutôt en œuvre ses capacités à écrire sur la base d’un brief ou d’un cahier de charges au service de la traduction. Et sa créativité au service d’une lisibilité émotionnelle auprès de la cible. Et ses compétences en marketing pour vérifier que le message fasse levier sur les biais cognitifs du lecteur. Tout est clair, non ?

Plus de valeur à votre marketing

En conclusion, la transcréation apporte une réelle valeur à votre matériel marketing. Elle véhicule votre professionnalisme, votre savoir-faire, votre vision et la philosophie de votre marque telle qu’elle est véhiculée par vos supports en français. Votre savoir-faire mérite mieux qu’une traduction automatique. Soyez les protagonistes du marché italien.

Parce que vous le valez bien 😉

Prêt.es à conquérir le marché italien et à diffuser votre aura dans la Grande Botte ?

Parlons-en !

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Aménager son coin bureau à la maison.

Le télétravail, COVID-19 oblige, a pris une place nouvelle – et très probablement, durable – dans la vie des gens. Des gros porteurs comme Twitter ou Facebook ont récemment annoncé vouloir cristalliser ce mode de travail qui finalement présente des nombreux avantages. Ils ne sont pas les seuls. Il est donc indispensable de repenser son coin pro et le faire évoluer au rang de bureau à part entière.

En ce qui me concerne, le télétravail et moi avons une relation de longue date et très harmonieuse. Les traducteurs freelance savent bien à quel point c’est important de rendre le plus agréables que possible les mètres carrés découpés dans leurs appartements et consacrés à la traduction.

Pour aménager un espace, même minuscule, cosy et confortable, il ne faut pas grand-chose. Voici quelques inspirations.

Délimitez l’espace.

Le bureau doit être visuellement séparé du reste de la maison. Qu’il soit aménagé dans un placard ou dans un coin inutilisé de votre appartement, il mérite d’avoir son identité bien reconnaissable.

Optimisez l’espace.

Utilisez le moindre recoin : une portion de votre bibliothèque, un placard, un rebord de fenêtre, tout est bon à utiliser quand il s’agit d’optimiser un petit espace.

Transformez les défauts en forces.

Redonnez leur lettres de noblesse à ces coins que vous considérez comme des défauts de construction. Une niche ou un dessous d’escalier peut se transformer en un espace pro super agréable.

Soyez créatifs !

Rien n’est trop beau pour votre espace de travail ! Osez des solutions créatives : quelle qu’elle soit la taille de votre appartement, donnez libre cours à votre imagination. Et si vous aimez bricoler, il y a de quoi se faire plaisir.

Mon petit coin bureau

Mon espace de travail empiète sur les 16 m² de la pièce principale de mon petit F1, où cohabitent mon lit sur mezzanine, ma bibliothèque et mon espace canapé/repos. Pour son aménagement j’ai utilisé du matériel de recup. Prix global : 92 euros incluant une chaise confortable. D’ailleurs, je vous conseille de ne pas mégoter sur l’achat d’une chaise. Être assis confortablement et maintenir une posture correcte sont des conditions non négociables !


Patricia Soda est traductrice depuis 2001. Spécialisée en traduction pour le marketing, elle est également copywriter. Indépendante depuis 2015, elle traduit de l’anglais et du français vers l’italien et partage dans ce blog ses joies et ses larmes avec ses confrères et tous les passionnés de langues


Lost in traslation #1: la pub.

Maîtriser deux langues n’est pas une condition suffisante pour être traducteur. Cette affirmation, qui fait crisper d’un petit sourire condescendant les lèvres de sceptiques interlocuteurs, est pourtant vraie. Vous en voulez les preuves ?

Dans ce premier numéro de #lostintranslation, je vais me pencher sur les campagnes publicitaires ratées à cause d’une mauvaise traduction.


Electrolux, les aspirations déçues.

La marque scandinave, à son apogée dans les années 1990, décida de conquérir le marché USA. La marque décida aussi qu’elle pouvait se passer des services d’un traducteur pour le lancement sa campagne – pourquoi faire ? dans l’entreprise tout le monde maîtrisait la langue de l’oncle Sam. Elle créa donc ce magnifique slogan fait maison : « Nothing sucks like an Electrolux ». C’est bien dommage qu’aux Etats Unis « it sucks » signifie « ça craint, ça ne marche pas ». Ce qui finalement nous donne un sublime « Rien n’est plus nul qu’un Electrolux. ». Sans parler des malicieux sous-entendus qui ont dû effleurer l’esprit de certains…


American Airlines : À poil ! (mais sur des sièges en cuir)

Fière de ses nouveau sièges en cuir, American Airlines arborait le slogan « Fly in leather » (Volez dans du cuir) afin de séduire les couches les plus élevées ( 😊) et cossues de passagers américains. Le problème arrive lorsque American Airlines décide de séduire les mêmes couches au Mexico avec « Vuela en cuero » qui, malheureusement pour la compagnie veut dire « Volez à poil ». Soudain, la compagnie se transforma en club naturiste…


Eau de Schweppes N°5

Si la mauvaise traduction d’une langue à l’autre peut donner des résultats amusants, il n’y a rien de mieux que la mauvaise traduction d’une mauvaise traduction pour sombrer dans le grotesque. En 1905, Schweppes, voulant amener ses bulles en Italie, a dû penser que les similitudes entre l’italien et le français pouvaient leur épargner les sous d’un traducteurs. Alors, du slogan initial « Schweppes Tonic Water » en passant par le français « Schweppes Eau Tonique » on en est arrivé en Italie avec un « Schweppes Eau de Toilette » qui, par le remaniement d’un génie du marketing, est devenu « Schweppes Toilet Water ». Inutile de dire que la marque ne fit pas fureur en Italie à cette époque.


Vicks : voulez-vous coucher avec moi ?

La marque américaine Vicks part à la conquête du marché allemand sans même pas prendre la peine de se renseigner ne serait-ce sur l’impact que nom de la marque pouvait avoir sur le consommateur allemand. Eh oui, parce que si elle l’avait fait, elle aurait découvert que Vicks se prononce comme ficks, qui, à un T près, se traduit par « tu fais l’amour » (mais en beaucoup plus vulgaire). Avec l’image du lit, en plus…


Coca-Cola : le bonheur est dans la bouche.

Désolée de devoir, encore une fois, remonter les bretelles aux Américains mais Coca-Cola a fait vraiment fort. En voulant traduire littéralement le nom de la marque en chinois, Coca-Cola est arrivée en Chine avec un magnifique « Kekoukela » ce qui veut dire, selon les dialectes « Jument fourrée à la cire » ou « Crapaud fourré à la cire ». On ne saura jamais si, en voulant ajuster le tire, la marque a fait appel à un traducteur. Ce que nous savons est que, après avoir vu son chiffre d’affaire chuter en Chine, elle en est arrivée à un plus approprié Kokoukole ou Kekoukele qui se traduit par « Le bonheur est dans la bouche ». Eh ben, dis-donc…


Madza : une voiture de joie.

En parlant de Mazda, plus que d’erreurs de traduction, on peut pointer du doigt un manque avéré de sensibilité envers les particularités culturelles des marchés-cibles. En 1999, la marque lance LaPuta, une gamme de voitures déclinée en version berline, compacte et utilitaire. Les concessionnaires portugais et espagnols ont dû réprimer un désir de meurtre vis à vis des génies du marketing de la marque. Néanmoins, ils ont obtenu un légitime changement du nom de la gamme lors de son lancement en Espagne et Portugal. Ils ont sauvé l’honneur (de la voiture).


Si vous ne souhaitez pas rater votre prochaine campagne publicitaire à l’étranger et manquer votre cible (et finir dans les pages de ce blog ;-), faites appel à une traductrice professionnelle – mieux si spécialisée en marketing !


Patricia Soda est traductrice depuis 2001. Spécialisée en traduction pour le marketing, elle est également copywriter. Indépendante depuis 2015, elle traduit de l’anglais et du français vers l’italien et partage dans ce blog ses joies et ses larmes avec ses confrères et tous les passionnés de langues


Ils sont fous, ces traducteurs!

Le 24 mars de cette folle année virale, Albert Uderzo a quitté ce monde de fous – Romains, Corses, Bretons, Égyptiens – pour aller rejoindre René Goscinny dans le monde des rêves. Ici-bas, Astérix et sa bande de Gaulois continuerons de faire vivre par nous leurs savoureux délires.

Comme tout enfant normalement constitué, moi aussi j’ai passé des moments inoubliables devant les dessins animés qui narraient les histoires des nos héros gaulois, comme celui-ci.

Je pense même que les aventures d’Astérix ont eu une influence sur mon apprentissage de l’histoire puisque ses exploits contrecarraient l’enthousiasme de ma maîtresse qui proclamait, debout au tableau, la craie blanchissant sa paume par l’émotion, que les Romains avaient bâti un empire merveilleux et incroyablement en avant-garde sur leur temps. Cela ne pouvait pas être vrai, puisque César faisait toujours une piètre figure face à cet homme de la taille d’un besot breton.

Plus tard, lorsque, aspirante traductrice, j’étais sur la version du « de Bello Gallico » (tr. : La Guerre des Gaules) je pensais que celle-ci m’avait donné beaucoup moins de fil à retorde de ce que m’en aurait donné de traduire les bandes dessinées d’Astérix.

Analysons, par exemple cette vignette.

Pour les francophones, l’expression « Je suis médusé » ne pourrait pas être utilisée plus à propos, d’autant plus que le dessin est inspiré par le tableau « Radeau de la Méduse » de Théodore Géricault et la référence (géniale!) au tableau renforce sémantiquement l’affirmation du pirate.

Or, le titre de la peinture en question a été traduit dans à peu près dans toutes les langues, donc la référence au célèbre radeau pourrait être respectée, mais comment rendre le « Je suis médusé » dans les autres langues sans perdre pas même une miette de l’effet obtenu en français ?

Germanix

Les Allemands ont fait le choix d’ignorer totalement l’effet et ont mis dans la bouche du personnage un laconique « …hen ! », dernière syllabe du verbe « Fliehen !» s’enfuir. (Asterix als Legionär, Goscinny und Uderzo, Egmont Ehpa, übersetzer Gundrun Penndorf, 1971)

Marcello Marchesix

Le traducteur italien Marcello Marchesi a opté pour une traduction sourcière avec un « Mi hanno medusato » (Goscinny, R. et Uderzo, A., Asterix legionario, trad. Marcello Marchesi, Milan, Mondadori, 1968) Or, en 1968, le terme “medusato” n’existait pas et le traducteur dût prendre la peine de mettre une note en bas de page pour expliquer la référence au tableau. Il ne fit toutefois pas mention de l’acception du terme en français. Eh bien, figurez vous que depuis, le verbe « medusare » est entré dans le vocabulaire italien.

Je ne sais pas si le mérite de ce néologisme appartient à Marcello Marchesi, mais perso, résolument sourcière, j’apprécie le choix de mon compatriote : je pense qu’il ne faut pas hésiter à utiliser des mots qui n’existent pas si cela permet au lecteur une totale immersion dans l’univers de l’auteur.

Ibérix

Jaime Perich, le traducteur espagnol, a mis dans la bouche du personnage « Por medusa, qué vida esta ! » (Goscinny, R. et Uderzo, A., Asterix legionario, trad. Jaime Perich, Barcelone, Salvat, 1980). La référence à l’expression “por Dios” était l’intention du traducteur. Dommage qu’il n’ait pas pensé à mettre à medusa un m majuscule, Medusa, pour renforcer l’idée d’une divinité. C’est d’ailleurs un parti pris qui aurait fonctionné aussi en italien (Per Medusa, che vitaccia !)

Britannix

Mais la palme d’or de la hardiesse revient aux anglais Anthea Bell et Derek Hockridge qui ont traduit par « We’ve been framed by Jericho » (Goscinny, R. et Uderzo, A., Asterix the Legionary, trad. Anthea Bell et Derek Hockridge, Leicester, Brockhampton Press, 1970.) Une note en bas de page faisait focaliser le lecteur sur lien homophone qui existe entre Jericho et Géricault et ils précisaient que ce dernier était un peintre gaulois. Le jeu de mots à tiroir vient du « We’ve been framed », nous avons été encadrés, comme dans un tableau, mais aussi « on s’est fait avoir ». J’adore !

En tout cas, en partant d’Astérix, j’arrive à deux conclusions :

  1. Il est important pour un traducteur ne vivant pas dans le pays de sa langue source, de travailler en binôme avec un confrère ou tout simplement un indic connaissant bien non seulement la langue et la culture d’origine mais aussi passionné du sujet.
  2. Il arrive un moment, dans la vie de chacun, où il faut faire du lâcher-prise et OSER ! Dans le pire des cas, une note en bas de page, pourrait illustrer le choix du terme et mettre le lecteur un peu plus dans le contexte et, dans le meilleur, donner naissance à un néologisme.

Par ailleurs, je regrette que le non-italophones passent à côté de la version italienne d’Obélix lorsqu’il dit « Sono Pazzi Questi Romani » (= Ils sont fous, ces Romains) dont l’acronyme SPQR se calque sur la devise de la République romaine (Senatvs PopvlvsQve Romanvs = Le Sénat et le peuple romain).


Merci pour l’inspiration à Jean-François Allain« TAPATOUCOMPRIX : le nez de Cléopâtre ou le pouce d’Astérix ? », Traduire [En ligne], 230 | 2014, mis en ligne le 15 juin 2016


Patricia Soda est traductrice depuis 2001. Spécialisée en traduction pour le marketing, elle est également copywriter. Indépendante depuis 2015, elle traduit de l’anglais et du français vers l’italien et partage dans ce blog ses joies et ses larmes avec ses confrères et tous les passionnés de langues

Le traducteur au temps du Covid-19

Hier j’étais au téléphone avec une copine italienne dont une certaine perversité se réjouissait des mesures restrictives appliquées par le gouvernement français qui s’alignent désormais – pas tout à fait, mais on y arrive – sur celles de l’Italie. Non sans une mal décelée jubilation, elle affirmait que le confinement avec lequel nous, les habitants de l’Hexagone, aurions désormais dû composer, était la preuve ultime de l’efficacité de la clairvoyance italienne et du sens d’anticipation du gouvernement de la Grande Botte.

D’ailleurs, elle n’a pas pu cacher sa déception lorsque je lui ai dit que je suis confinée chez moi depuis que j’ai choisi la carrière de traductrice freelance et que le Covid-19 ne change pas beaucoup mon quotidien. A quelques détails près : je dois me priver de mes récréatives courses au marché de la Libération, accompagnées d’une pause-café au Nautic et de la compagnie de ma voisine Claude de 90 ans, une véritable source d’inspiration, un livre d’histoire vivant, que j’évite d’aller voir pour la protéger. Ces petits moments réjouissants d’éloignement de mon écran pour mieux m’en approcher. Certes, cette pandémie aura des répercussions sur mon activité comme sur toutes les activités économiques que, pour le moment, je ne suis pas capable de mesurer.

Quoi qu’il en soit, je suis une experte du confinement. Ce n’est pas toujours le cas, mais souvent, lorsqu’on choisit d’être traducteur, on sait pertinemment qu’il faudra vivre avec sa solitude et cela ne nous dérange pas spécialement. Il ne faut tout de même pas oublier qu’en 2020, il s’agit d’une solitude relative : je suis connectée au monde par la Toile, j’échange avec les confrères sur les réseaux sociaux. Mais rien ne me donne plus plaisir de suivre le cours de mes élucubrations en trouvant le mot juste dans un accord de ma guitare, dans la portion de ciel sous lequel je bois des tasses de thé vert à la chaîne, dans le poil soyeux de mon chat qui vient parfois me gratifier avec son ronronnement rassurant. Des choses que je ne pourrais jamais faire si je partageais un bureau avec d’autres personnes, dans un cube en béton comme celui où j’ai évolué lors de ma dernière expérience salariée

La vie du traducteur est solitaire, mais elle n’est pas ennuyeuse ; elle est silencieuse mais incroyablement habitée. Elle est pleine de mots qui vivent de vie propre, des mots qu’il faut saisir et transporter dans un monde parallèle. Dans les 2 m² découpés dans mon appartement et consacrés à mon travail, je vois s’afficher un paysage toujours différent où je suis les portes et les ponts. Quand je traduis, la « cible », je la vois. Elle est assise à côté de moi, comme l’amie imaginaire de mes 5 ans. Je lui parle, je lui demande comment je peux faire au mieux pour qu’elle ressente ce que je ressens. Comme une spéléologue, je creuse dans les profondeurs de l’auteur et j’en déterre les racines de son message, les nuances de ses mots. Et puis, selon les cas, je les dépoussière, je les façonne, je les décrypte et je les confie au pigeon voyageur qui les amènera loin.

Aussi, en tant que traductrice-spécialiste-en-confinement, je peux vous assurer que ce n’est pas si mal que cela de rester chez soi. Il y a du rêve, des mots, des livres, de la musique, des projets, de l’espoir, des verres de rouge… Et qui sait, peut-être que le confinement vous donnera des inspirations pour réajuster votre vie. Peut-être que, comme Bernard-Henri Lévy, vous trouverez dans la mondialisation de ce virus « la traduction des passions tristes qui agitent nos démocraties fatiguées, relativistes et paranoïaques ». Peut-être que vous ferez le tri dans vos vies et vous découvrirez il y a des choses inutiles dont vous pouvez facilement vous débarrasser.

Quoi qu’il en soit, je vous souhaite de vous perdre pour vous retrouver. Et de garder la santé. Prenez soin de vous.

Patricia Soda est traductrice depuis 2001. Spécialisée en traduction pour le marketing, elle est également copywriter. Indépendante depuis 2015, elle traduit de l’anglais et du français vers l’italien et partage dans ce blog ses joies et ses larmes avec ses confrères et tous les passionnés de langues

Les traducteurs sont des inutiles

Il y des jours où il m’arrive de diviser l’humanité en deux catégories : les traducteurs et les non traducteurs.

Les non traducteurs sont ceux qui pensent que Google Translate est un outil fabuleux et que les traducteurs ne servent pas à grand chose.

Les traducteurs sont ceux qui croient que tous ceux qui pensent que Google Translate est un outil fabuleux n’ont rien compris.

Quoi qu’il en soit, les traducteurs permettent aux lecteurs du monde entier de savourer la prose des grands écrivains. Sans les traducteurs, les œuvres immortelles seraient des œuvres muettes.  

Sans les traducteurs, on n’aurait qu’à se cantonner dans la littérature nationale à défaut d’apprendre toutes les langues du monde. José Saramago sans Rita Desti ou Gabriel Garcia Marquez sans Enrico Cicogna n’auraient pas pu me donner ces émotions qui ont changé le cours de ma vie.

A ce propos, j’ai trouvée la vidéo ci-dessous sur le site de l’Association des Traducteurs Littéraires de France

Regardez-là jusqu’au bout.